Les sens de la vie de David Servan-Schreiber

Publié le par Savannah

 

 

DAVID SERVAN SCHREIBER

 

 

Aujourd'hui, je crois que ce que l'on a appelé pendant des siècles "trouver Dieu", c'est trouver un sens à sa vie. Trouver ce qui peut l'enrichir. Une nouvelle perspective est née des neurosciences ces vingt dernières années : ce qui nourrit notre vie, ce n'est pas la raison pure, mais bien l'équilibre de notre cerveau émotionnel. Et de quoi celui-ci a-t-il besoin ? De connexions avant tout, de relations. Il en trouve dans quatre domaines, et seulement quatre.

La corporalité. Si nous ne nous autorisons pas à goûter, sentir, toucher, écouter, regarder, rire - et même souffrir - en portant toute notre attention sur le moment présent, alors nous ne sommes pas connectés à notre corps. Le sport, comme toute activité physique, engage à la fois notre attention, notre souplesse et notre force : il est une autre façon de se lier à soi. La méditation ou l'écoute attentive de l'autre sont aussi des manières de nous abreuver à cette première source de sens qu'est la corporalité.

L'intimité. Naturellement, l'Amour (avec un grand A), l'amour romantique, éperdu, est une manière extraordinairement efficace de nous remplir de sens. Lorsque nous nous regardons dans les yeux et sentons nos coeurs battre plus fort, nous ne nous posons plus aucune question existentielle. Plus généralement, tout ce qui nous implique dans une relation intime nous ancre dans l'existence avec solidité. Il n'y a pas de doute sur le sens de la vie lorsqu'on prend la main de son enfant pour l'emmener pour la première fois à l'école, ou lorsqu'on le regarde chanter dans une chorale. Tous ceux dont nous nous sentons proches nous relient à la vie et lui donnent du sens.

La communauté. Je me souviens d'un patient de 30 ans dont l'espérance de vie était limitée à quelques mois par un cancer. Il ne travaillait plus et se morfondait dans l'angoisse de la mort, devant la télévision. Il avait fini par proposer au centre communautaire de son quartier de réparer bénévolement son système d'air conditionné. Il s'y rendait presque tous les jours pendant plusieurs heures. On le saluait par son nom lorsqu'on le croisait dans les couloirs. On l'appelait lorsqu'il oeuvrait sur le toit pour lui apporter à manger ou à boire. En quelques semaines, son anxiété était dissipée, même si sa maladie ne faisait qu'empirer. Il avait trouvé du sens, un sens qui lui avait toute sa vie manqué terriblement. Il avait suffi qu'il s'engage pour sa communauté , pour les autres. Suffi, au fond, qu'il se sente utle, apprécié. Nous sommes tous come lui. Nous avons besoin de sentir que nous contribuons à quelque chose dans la société des hommes et des femmes dont nous faisons partie, et qui appartiendra demain à nos enfants.

La spiritualité. Il est possible de se sentir relié à une dimension qui existe au-delà de celle du corps, de celle des êtres ou de celle de la société des hommes. Pour certains, la plus grande source de sens est le sentiment d'être en présence de quelque chose de bien plus grand que tout cela. Même si cette présence s'appelle souvent Dieu (ou Yahvé, ou Allah), elle apparaît simplement face à la nature, ou dans certains lieux qui nous rappellent combien nous sommes insignifiants dans l'univers ou dans l'immensité du temps : devant le Grand Canyon, à Jérusalem, ou face au ciel éclatant d'étoiles de Dharamsala. Etrangement, c'est au moment précis où nous éprouvons ce sentiment de petitesse que, simultanément, la vie, elle, semble remplie de sens, et nous avec.

 

Cet article de David Servan-Schreiber est paru dans le "Psychologies Magazine" du mois de septembre 2010.

 

 

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